lundi 22 novembre 2010

Froid de loup...


Elle est putain de froide cette vitre. Si j’appuie mon front dessus, ça fait comme des petites étoiles de douleur qui migrent dans les tempes. Un peu comme des flocons de neige dans le crâne, flic, floc, qui s’accumulent dans les coins, jusqu’à tout envahir et que tout soit ouaté, et blanc. Et froid.

Mais ça n’enlève pas la fièvre, celle qui me brûle par endroit. Les mains, le cou, et la poitrine surtout. Front glacé, et mains brûlantes.

Si je les pose contre la vitre, ça devrait faire pschhhhhh avec de la fumée qui s’échappe, le contraste. Comme lorsque je pose la poêle encore chaude dans l’évier humide.

Le docteur ne veut pas que je me lève. Il a bien précisé que je ne devais pas, que je risquais encore de perdre connaissance, que j’étais trop faible, trop malade. Mais c’est la première neige. Et j’ai si chaud.

C’est la nuit, je crois. Il est marqué 5h24 sur mon réveil, mais je ne sais pas trop si c’est 5 heures du matin, ou du soir. En tout cas, il fait noir. Il n’y a qu’une fenêtre allumée dans l’immeuble d’en face, et pas de traces de pneus dans la fine couche blanche sur la chaussée, alors ça doit être le petit matin.

Je devrais aller me recoucher. Il me semble que je n’ai pas dormi depuis des heures et des heures. Je n’ai mal nulle part, je suis juste si lasse, comme si j’avais 10 ans de sommeil à rattraper, ce qui est idiot à dire, puisqu’on ne rattrape jamais le sommeil en retard.

Je n’ai pas encore osé regarder. L’endroit par où elle est entrée, dessinant un soleil sur mon flanc gauche. Etoiles dans la tête. Soleil sur le ventre. Je me transforme en une galaxie miniature. Sur quelle planète se trouve la vie au milieu ?

Le docteur a dit que j’avais eu beaucoup de chance. « Mademoiselle, vous avez eu beaucoup de chance, à 5 centimètres près, vous y passiez », ce sont ses mots exacts.

Je ne sais pas ce que la chance a à faire là dedans. Le mot chance en parlant de ma situation, ça me ferait presque sourire, si je pouvais encore sourire un jour.

Ma chance, ça aurait peut être été finalement que la balle soit 5 centimètres plus à gauche. Ou à droite, je ne sais plus trop.

Mon père était malade, nous le savions tous. Malade dans sa tête, fou, fou à lier même. Fou à enfermer. Mais maintenant, il est trop tard. Pour lui. Pour nous.

Je devrais aller me recoucher.

Elle est putain de froide cette vitre. Si j’appuie mon front dessus, ça fait comme des petites étoiles de douleur qui migrent dans les tempes. Un peu comme des flocons de neige dans le crâne, flic, floc, qui s’accumulent dans les coins, jusqu’à tout envahir et que tout soit ouaté, et blanc. Et froid.


Ceci est ma participation au  jeu n°5 du Blog à Mille Mains , et le dessin est de Marlène...




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12 commentaires:

annick a dit…

j'aime beaucoup!

Anonyme a dit…

<3 tu as bcp de talents ... continue de nous faire réver ! stell*

Zette a dit…

Ouch, c'est beau!

Madame Sophie a dit…

Magnifique!

flaviesdl a dit…

Wahou quel texte ! Je ne connais pas ce concours, mais ton texte est très beau.

Mariedk a dit…

Quel talent, M'mame Valou ! Tu écris super bien !!!

Lizly a dit…

Un texte très fort. Merci d'avoir participé ! Tu es en ligne sur le blog à 1000 mains.

Mariposa a dit…

superbe... j'en ai des frissons

Eric a dit…

Epoustouflant miss Valérie. Comme toujours !

Valérie a dit…

@all: Merci beaucoup!

L'Oeil qui court a dit…

Une situation terrible amenée tout doucement, de touche en touche sans se révéler et puis c'est là. Surprenant. Glaçant. Une belle qualité de plume.

Isa LISE a dit…

Sinistre et touchant... Bravo!

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